dimanche 5 août 2007

Un baobab est mort

Terrassé en mars 2007 par une attaque cardio-vasculaire, le professeur Jean Suret-Canale est décédé le 26 juin, et a été inhumé deux jours plus tard au cimetière de La Roquille, petite commune du sud-ouest de la France où il s''était retiré depuis sa retraite. En Afrique de l''Ouest son nom est familier à beaucoup, par son engagement communiste et anticolonialiste, par ses écrits et par son enseignement. Né à Paris en 1921, il fit de brillantes études au lycée Henri-IV, qui lui valurent Le prix de géographie en 1939. Il en fut récompensé par des bourses de Voyage au Bénin-Dahomey et en Indochine; il y découvrit le problème colonial. Il adhéra aux Jeunesses communistes entre l''écrit et l''oral de son Baccalauréat, fit trois mois de prison pour avoir collé des affiches, entra ensuite dans la Résistance. Agrégé de géographie en 1946, le jeune professeur fut envoyé à Dakar et enseigna au Lycée Van Vollenhoven. Son militantisme le conduit à adhérer aux Groupes d''études communistes, au Rassemblement démocratique africain et à l'Union des syndicats confédérés de Dakar. Ses activités amènent en 1949 le gouverneur Béchard à ordonner son expulsion vers la France, où il enseigne au lycée de Laval, puis à Jean-Baptiste Say à Paris. Après le "non" de la Guinée au référendum de septembre 1958, Il répond à l''appel du nouveau ministre guinéen de l''éducation, Barry Diawadou, qui souhaite remplacer les enseignants que Paris a rappelés en réaction à l''indépendance de la Guinée, et arrive en mars 1959 à Conakry. Il enseigne au Lycée de Donka (son épouse Georgette au collège de Jeunes filles), y fait fonction de proviseur pendant un an, dirige l''année suivante l''Institut national de recherches et de documentation de Guinée (INRDG) et crée la revue "Recherches Africaines".Il est nommé en janvier 1962 directeur d''une École normale supérieure créée à Kindia. Mais Paris ne lui pardonne pas son départ en Guinée : l'éducation nationale n''accepte pas sa mise en disponibilité, le radie des cadres et refuse de compter dans son ancienneté et sa retraite ses cinq années guinéennes. En 1962, il est menacé par une circulaire du Premier ministre Michel Debré d''être déchu, comme quelques autres compatriotes, de la nationalité française pour activités contraires aux intérêts de la France . Il revient en France comme attaché de recherches au CNRS (1966-74).Il milite pour la reconnaissance par la France de la Corée du Nord. Faute de poste en France, il part en Algérie comme maître-assistant à l'Université d''Oran (1974-1978), et revient de 1978 à 1984 comme maître-assistant de géographie à l''Université de Paris VII. Il soutient alors sa thèse d''État publiée en 1987 sous le titre : "Afrique Et capitaux", et devient la même année docteur honoris causa de l''Université de Leipzig; il est également membre de la Société des Africanistes.Membre Du comité central du parti communiste français de 1967 à 1972 il devient en 1972 l''un des présidents de l''AFASPA (Association française d''amitié et de solidarité avec les peuples d''Afrique). Les écrits de Jean Suret-Canale sont nombreux, et embrassent bien des sujets, du marxisme à la traite des noirs, de la Mélanésie au Vietnam et de la Corée à Madagascar, en passant par la Résistance en France et les Groupes d''études communistes, ainsi que de nombreuses préfaces. Son ouvrage "La République de Guinée" (Éditions sociales, 1970) continue à faire autorité. La très critique "Histoire de l'Afrique occidentale" qu''il publie en 1960 (repris par Présence africaine en 1961) avec l''historien guinéen Djibril Tamsir Niane suscite de l''émoi en France, et le ministère de la Coopération fait en hâte rédiger par Yves Person (qui resta anonyme) une "Histoire Des Peuples Noirs" publiée à Abidjan en 1962 (Houphouët-Boigny corrigea lui-même certaines pages). Et puis il y a sa monumentale "Histoire de l''Afrique occidentale et centrale française", travail de synthèse rempli d''archives de première main. Pourtant, Suret-Canale était plus géographe qu'historien ! Mais au-delà de la recherche, des livres et des engagements, Jean Suret-Canale était un homme affable, d''une grande simplicité et jusqu'à la fin d''une mémoire étonnante et précise.

Encore un qui ne contredira plus Sarkozy et les bienfaits de la colonisation.
Que la terre lui soit légère...

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